dimanche 18 décembre 2011

La libéralisation du commerce mondial en panne.

Voici un petit point sur Doha et l'OMC alors que la crise de l'euro commence à se ressentir dans les pays émergents et que la Russie rejoint l'OMC. Quelques extraits de l'article d'Alain Faujas paru dans Le Monde le 15 décembre 2011:
"L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est dans une impasse. Dix ans après le lancement du cycle de Doha sous son égide, elle ne parvient toujours pas à décider de nouvelles suppressions des obstacles aux échanges internationaux. Les 153 Etats ( membres de l'organisation devront trouver de nouveaux modes de négociation à l'occasion de leur réunion ministérielle qui se tient à Genève du jeudi 15 au samedi 17 décembre. Faute de quoi la raison d'être de l'OMC se trouvera gravement remise en cause.
Lancé deux mois après les attentats du 11 septembre 2001, le cycle de Doha avait pour but - grâce à une réduction des barrières douanières et réglementaires - de mieux associer les pays en développement au commerce international afin de leur permettre d'en tirer plus de croissance. A la différence des sept précédents cycles de négociations, il portait aussi bien sur les produits industriels et agricoles que sur les services.
Dix ans plus tard, rien n'est conclu, parce que les Etats-Unis ont remis en cause les avancées auxquelles étaient parvenus les négociateurs au fil des ans. Obnubilé par les destructions d'emplois américains qu'il attribue au dumping social des pays émergents, Washington a remisé son libéralisme d'antan. 
Désormais, les Américains ne veulent plus consentir d'avantages commerciaux à ces pays qu'ils considèrent comme "émergés" et tout à fait capables de supporter une concurrence accrue en abaissant leurs tarifs douaniers au niveau de ceux des pays développés. Plus question de faire des cadeaux à la Chine quand sa part dans le commerce international est passée en dix ans de 4 % à 12 % ! Ils ont donc demandé depuis un an qu'en matière de produits électroniques, chimiques et mécaniques, les pays émergents suppriment pratiquement leurs droits de douane comme l'ont fait les pays développés. 
La réponse des "BRICS" (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) est unanime : "Nous ne sommes pas des pays développés et nous devons protéger nos industries naissantes pour donner à nos populations défavorisées par rapport aux vôtres les revenus qui leur font défaut." Le dialogue de sourds est total avec l'administration Obama. Comme le souligne Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, "ce n'est pas de la négociation commerciale, mais de la géopolitique". Certes, mais aujourd'hui le processus est bloqué puisque la règle de l'OMC, c'est que "rien n'est acquis tant que tout n'est pas accepté". Autrement dit l'accord sur la fin des subventions au coton américain s'appliquera seulement quand la baisse des droits de douane sur les aciers argentins sera entérinée. Désormais, ce sont 153 pays qui doivent à l'unanimité tomber d'accord sur une vingtaine de sujets donnant lieu à des listes interminables de flexibilités, d'exemptions, de délais d'application et de formules cabalistiques d'abaissement de milliers de droits de douane. Le Tchad peut donc à bon droit tout paralyser pour défendre son coton...
De plus en plus de gouvernements jugent que les gains à long terme du cycle de Doha seraient modestes - de l'ordre de 152 milliards de dollars dans le meilleur des cas, a calculé le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) - au regard du mécontentement des perdants de la mondialisation et des risques électoraux qui en résulteraient. Le protectionnisme semble faire un retour en force. Les Chinois ont annoncé, jeudi 15 décembre, qu'ils imposaient désormais des taxes sur les grosses cylindrées américaines pour dumping. Les Etats-Unis avaient fait de même avec les tuyaux chinois, il y a quelques mois. Le Brésil et l'Argentine, eux, surtaxent les voitures chinoises importées. La Russie n'hésite pas à décréter un embargo sur l'exportation de ses céréales quand la sécheresse menace ses récoltes, tout comme l'Inde avec son riz quand elle redoute d'en manquer. Si ce protectionnisme devait s'accentuer, des guerres commerciales pourraient éclater, et les années 1930 sont là pour témoigner des ravages que ces affrontements provoquent.

A Genève, les ministres de l'OMC chercheront des solutions politiques et techniques pour éviter le pire. "Une piste pour moderniser les méthodes de l'OMC consisterait à ne plus négocier à 153 pays, avance Lionel Fontagné, économiste au CEPII. Des accords plurilatéraux sur des secteurs particuliers comme la viande bovine ou les avions civils permettraient de ne pas succomber aux attraits du bilatéralisme et du régionalisme où les petits ne font pas le poids face aux grands pays."

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